Bientôt deux siècles après les premiers prototypes, un essor est enfin envisageable pour les piles à combustibles. L’indispensable transition énergétique constitue un terrain fertile au développement de cette technologie propre et silencieuse. Des défis subsistent, mais des industriels comme Safran, Faurecia, ou Airbus investissent déjà pour optimiser tout le potentiel de cette technologie, avec des solutions commerciales attendues pour le début des années 2020.
Les premières réalisations en laboratoire de piles à combustibles datent déjà de 1839 et sont attribuées au chimiste britannique William Grove, ayant utilisé l’acide sulfurique comme électrolyte. Il fallut pourtant attendre près de 100 ans pour qu’un autre britannique, Francis T. Bacon, reprenne les travaux sur ce sujet et réalise en 1935 la première pile hydrogène/oxygène en milieu potassique. Il continuera ses recherches et ira jusqu’à développer en 1953 et 1959 des prototypes de PAC qui furent adoptés par la NASA pour la non concluante mission Apollo XIII(1).
La recherche et développement autour des piles à combustibles a ensuite stagné durant plusieurs décennies, avec à peine quelques sursauts au gré des variations du prix du pétrole. Ce n’est que dans les années 2000 et les sommets jamais atteints par le baril de pétrole que les PAC ont connu un regain d’intérêt.
La nécessité de la transition énergétique est de plus en plus perçue comme indispensable, tant par la société civile que par les entreprises. Cela se constate par le marché des énergies renouvelables, en pleine croissance (presque) partout dans le monde. En France, leur part dans la consommation finale brute d’électricité était de 9,3% en 2006 contre 16% aujourd’hui. Et dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique, l’Etat a déclaré vouloir atteindre 32% d’ici à 2030. Utilisant dihydrogène et dioxygène pour ne rejeter que de l’eau, les PAC sont une technologie propre s’inscrivant pleinement dans cette démarche. Les principaux obstacles à leur utilisation à grande échelle sont l’industrialisation, réduisant souvent leurs performances, et les besoins en catalyseurs comme le Platine, métal rare et très coûteux(2).
Déjà utilisées dans l’aérospatial, les avancées réalisées depuis plusieurs années lèvent toujours plus de barrières qui empêchaient jusqu’ici leur utilisation dans d’autres industries comme l’aéronautique. Fiable, écologique et de puissance et compacité grandissantes, la pile à combustible suscite l’intérêt des avionneurs. Safran Power Unit a investi plus de 50 millions d’euros pour le développement d’une pile comme source d’énergie non propulsive (démarrage des moteurs, commandes de vol, éclairage, etc.) afin de remplacer les systèmes actuels fonctionnant principalement au kérosène. Les premières solutions commerciales sont attendues pour 2020(3).
L’intérêt des PAC provoque également un vif intérêt dans l’industrie automobile, en particulier comme complément de batteries aux véhicules électriques. Des entreprises comme Pepsi et DHL ont déjà eu recours à des véhicules fonctionnant aux piles à combustible. Les stations autonomes d’électrolyses nécessaires à la recharge manquent encore, mais ces infrastructures seraient déployables rapidement. Le consortium Japan H2 Mobility (11 entreprises regroupant notamment Nissan, Toyota, Honda mais aussi Air Liquide) a annoncé lors de sa création en 2018 vouloir construire 80 stations à hydrogène d’ici mars 2022, en plus de la centaine de stations déjà installées au Japon(4). Les Etats aussi se mobilisent : le Japon mais aussi la Corée du Sud, l’Allemagne et la Californie se sont engagés à développer plus d’un millier de stations de recharge d’hydrogène chacun d’ici 2023(5). D’ici 2030, les experts estiment que plus de 2 millions de nouveaux véhicules utiliseront la technologie de pile à combustible. Faurecia a annoncé en 2018 vouloir consacrer environ 15 millions d’euros par an en R&D pour optimiser le potentiel de cette technologie pour l’automobile(6).
Dans de multiples industries, les projets de plus en plus ambitieux se multiplient, à l’image de la construction en Guyane de la première centrale électrique solaire et hydrogène au monde, prévue pour l’automne 2020(7). D’une capacité de 50GWh par an, elle sera raccordée au réseau EDF et utilisera une PAC de 3MW en association avec d’autres technologies (batteries Lithium par exemple). Les acteurs du projet veulent profiter de cette centrale pour développer le marché des PAC de grande puissance (supérieure à 1MW).
Les défis techniques restent nombreux : réduire la consommation de catalyseurs, augmenter la puissance, la compacité, etc., mais après avoir été mises de côté durant des décennies, tout porte à croire que la transition énergétique serait l’accélérateur qu’il fallait aux piles à combustibles pour enfin prendre leur envol.
1 http://www.societechimiquedefrance.fr/piles-a-combustible.html
2 https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-pile-a-combustible-s-ameliore.N818230
3 https://www.safran-group.com/fr/media/la-pile-combustible-de-lenergie-verte-bord-des-avions-20170405
4 https://www.automobile-propre.com/breves/japan-h2-mobility-nouveau-consortium-booster-mobilite-hydrogene/
5 https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-technologie-de-la-pile-a-combustible-est-elle-le-nouveau-graal-s-interroge-patrick-koller-le-patron-de-faurecia.N689739
6 https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-technologie-de-la-pile-a-combustible-est-elle-le-nouveau-graal-s-interroge-patrick-koller-le-patron-de-faurecia.N689739
7 https://www.usinenouvelle.com/article/comment-la-guyane-va-s-eclairer-a-l-hydrogene-vert.N740189